À l’occasion du SIDO Lyon, salon dédié à l’IoT, l’IA et la robotique qui s’est tenu ces 14 et 15 septembre 2022, Alten a présenté, en partenariat avec Siemens, 3 démonstrations pour “booster l’innovation et optimiser la performance des entreprises”. Dans une interview accordée à l’Usine Digitale, Steve Péguet, directeur scientifique d’Alten revient sur les ambitions de l’Usine 4.0 et la réalité du terrain.
Souvent cité comme la solution à la relocalisation et à la réindustrialisation des productions en France, l’usine 4.0, ou la digitalisation de l’industrie, fait référence à une nouvelle génération d’usines connectées. Pourtant, face à la multitude de technologies diverses désormais à disposition, reste à savoir comment procéder pour retirer le maximum d’avantages de ces outils. “L’un des enjeux de l’usine 4.0 c’est de pouvoir travailler à la cadence de l’usine et pouvoir actionner au bon moment l’élément qui permettra le retour sur investissement”, explique Steve Péguet.
Combiner les technologies
Directeur scientifique chez Alten, ESN Française spécialisée dans l’ingénierie et conseil en technologies, Steve Péguet travaille depuis dix ans à la mise au point de stratégies de maintenance des outils afin d’augmenter la durée de vie de ces derniers dans l’usine, le tout grâce à la technologie. “Au fil des ans, nous avons été déçus par les promesses du cloud, de l’edge computing, etc. Finalement, c’est seulement en additionnant ces technologies qu’on a réussi à toucher du doigt le résultat attendu”, explique- t-il.
Pour illustrer son propos, Steve Péguet revient sur le cas d’un client français spécialisé dans l’aéronautique, dont il ne citera pas le nom. Les besoins de ce client se situaient sur la maintenance d’objets coupants en usine à l’aide de la maintenance prédictive, une des promesses de l’usine 4.0. “Tout d’abord avec le cloud, nous sommes parvenus à déterminer qu’il y avait de bonnes pratiques et des prédictions à trouver”, mais les données à disposition “à froid” ne permettaient pas plus. C’est ainsi que les équipes se sont tournées vers l’edge computing, “en partenariat notamment avec Siemens”, indique Steve Péguet. “On a commencé à voir qu’avec tel outil ou telle machine on a tel comportement et donc on pouvait au mieux prédire la durée de vie de la machine et le besoin d’affutage. Cependant, il nous manquait le juste à temps“, explique le responsable. Alten s’est par la suite dirigée vers un nouveau partenaire et une nouvelle technologie, STMicroelectronics, qui a racheté le partenaire initial d’Alten, Cartesiam. “Nous avons développé notre partenariat pour créer un capteur intelligent autour de l’analyse vibratoire et sur travaillait à 6600 Hz. Cela nous a permis de trouver le juste à temps, donc le moment d’affutage et d’augmenter de 20 et 30 % la durée de vie d’un outil”, se félicite Steve Péguet.
«?La technologie pour tout faire?»
Accentué par la pandémie, le virage technologique des usines françaises est devenu plus que nécessaire. “Aujourd’hui, on a réellement la difficulté pour tout faire. La est plutôt organisationnelle”, déplore le responsable. Selon lui, la technologie n’est plus une fin en soi, mais une nécessité pour attirer le talent. Le problème est « ?la convergence des forces » à disposition. Alten préconise de construire ce changement par l’humain. “La technologie permet désormais beaucoup, mais il faut faire les choses sur le terrain et avec les gens”, détaille Steve Péguet. Le responsable note que les usines ont pendant longtemps mal accueilli les métiers de l’IT. “Elles ont eu le sentiment durant des années de perdre leur temps à tester et ne rien voir passer à l’échelle, quand à côté, elles avaient des choses à faire.”
À l’occasion du Sido, Alten a évoqué différents sujets. D’une part, en termes de données, la nécessité de réfléchir à la source, aux besoins des entreprises et aux données contextuelles qui doivent être analysées en temps réel. D’autre part, l’entreprise a évoqué l’analyse avancée et la visualisation de ces données. Une stratégie qu’elle estime importante pour faire de la donnée un levier de performance. Alten et Siemens Customer Services Digital Industries sont par ailleurs associés pour prétendre à grande échelle la formation aux complexes de gestes. Les deux entreprises proposent une solution qui se veut personnalisée et immersive.
Attirer les talents et réduire l’impact climatique
Interrogé sur l’avenir de l’utilisation de la réalité augmentée et de la réalité virtuelle dans l’usine 4.0, Steve Péguet indique qu’il y a “encore plein de contraintes” à l’usage pour ces deux technologies. “Il ne faut pas les voir comme un compagnon tel qu’on l’avait présenté, mais plutôt comme le compagnon du bon moment”. Pour ce professionnel du secteur, les technologies AR/VR restent très utiles à des moments clés, par exemple lors de la formation. “Cela permet de faire des choses en évitant les gestes dangereux et la casse, notamment dans les actions de maintenance qui sont rares et qu’on a tendance à oublier”, précise-t-il.
Pour le responsable, la réalité est étendue davantage une source d’attractivité pour les nouvelles générations. De manière générale, Steve Péguet estime que l’usine 4.0 et la transformation digitale sont “nécessaires pour séduire un jeune qui est plus familier avec la technologie”. ?
Alten a récemment annoncé avoir réalisé 4 acquisitions en 2022. Deux des sociétés acquises sont spécialisées dans le cloud et la transformation digitale. Aujourd’hui, “30 % de notre chiffre d’affaires est sur l’IT et 70 % sur le génie, il faut un équilibre donc notre acquisition s’oriente davantage sur l’IT”, explique Steve Péguet. “Pour l’heure, on se dote sur des compétences un peu plus rares sur le marché pour équilibrer nos forces”, continue-t-il.
Désormais, toujours dans l’objectif de l’industrie 4.0, Alten souhaite s’engager dans la sobriété numérique. “Le numérique aujourd’hui représente deux fois l’aviation civile en termes de CO2. Il ne faut pas que le remède pire soit que le mal”, déclare Steve Péguet. Encore au stade de projet, Alten indique travailler à la mise en place d’outils de mesure pour trouver une architecture permettant de réduire l’impact sur l’environnement. “Il y a une pollution nécessaire à la production, mais il y a aussi la capacité à la réduire”, terminé-il.