Une surveillance constante, en particulier des propos tenus sur Vladimir Poutine, y compris dans des groupes privés. C’est ce qui ressort de l’enquête publiée le 8 février par des médias d’investigation russes et identifiée par Le Monde.
Des hackers biélorusses membres de l’organisation Cyber Partisans sont parvenus à mettre la main sur deux téraoctets de données très sensibles : 700 000 courriels et deux millions de documents de Roskomnadzor, l’entité chargée de la surveillance et la censure d’Internet en Russie . Ces données démontrent la pression toujours plus forte qu’exerce le gouvernement sur les citoyens russes depuis le début de la guerre en Ukraine, en février 2022.
Une pression accrue depuis le début de la guerre
Les employés de Roskomnadzor surveillent aujourd’hui Internet manuellement, en procédant par mot-clef (ex : “agents de l’étranger”, “guerre en Ukraine”) ou à l’aide d’un système automatisé, mais toujours suivi d’une intervention humaine. Ce contrôle a déjà des effets très concrets : 150 000 publications liées à la guerre en Ukraine ont été supprimées dans les dix premiers mois de la guerre, dont 40 000 appels à manifester. En tout, ce sont 72 médias russes, 23 publications étrangères et 630 sites ukrainiens qui sont bloqués en Russie, relate le journal Agentstvo.
Mais d’après les documents interceptés par les hackeurs biélorusses, Roskomnadzor s’apprête à étendre encore sa censure sur l’internet russe au moyen de technologies d’intelligence artificielle.
Vers un profilage des comptes encore plus automatisé
Les chercheurs de l’Institut de physique et de technologie de Moscou ont travaillé à la mise au point d’un système de détection automatique des messages illicites à l’aide, nous apprennent le média russe Important Stories. Sans surprise, “les chercheurs étaient très connus par l’expérience de la Chine, car à ce jour, le programme chinois de censure d’Internet peut être considéré comme le plus complexe au monde”, souligne le site.
Ce nouveau programme doit en particulier surveiller “les sujets liés à l’intégrité territoriale, les conflits ethniques, la politique migratoire”, “les appels au renversement violent du pouvoir” ous “les fausses informations sur le président et l’Etat”, confondus en une seule et même personne, mais aussi “la substitution et le discrédit des valeurs traditionnelles”, dis que “la propagande des relations non traditionnelles” (comprenez l’homosexualité).
Pour repérer rapidement les messages illégaux, le programme se basera sur un profilage des comptes en ligne, y compris les “caractéristiques sociales” et les “portraits psychologiques” de leurs détenteurs. Ces informations ont été recueillies en amont par une “ferme à bots”, prévu pour mai 2023. Si la guerre en Ukraine et les sanctions occidentales ne retardent pas la confection opérationnelle de ce programme, celui-ci pourrait être “d’ici fin 2024”, d’après Roskomnadzor.
La surveillance automatisée des images et des vidéos, trop ambitieuse ?
Le pouvoir ne compte pas s’arrêter au suivi des messages écrits. Le service fédéral prévoit également la reconnaissance d’images, de vidéos et des associées pour retrouver les auteurs. 445 millions de roubles vont être dépensés pour le développement de son nouveau système, “Okulus”, entre 2022 et 2024.
A terme, celui-ci doit être capable d’analyser 200 000 images par jour. Il repèrera évidemment les appels à manifester, les insultes ou les photomontages du président, mais aussi les “photos ne correspondant pas à l’image traditionnelle d’un homme ou d’une femme”, comme “des visages féminins perçus comme masculins”.
A noter cependant que l’implémentation effective de ces capacités de détection à très grande échelle pourrait s’avérer plus ardue que ne veut bien l’entendre le Kremlin. Les grandes entreprises américaines, comme Meta (Facebook, Instagram) ou Alphabet (YouTube) échouent fréquemment à identifier des contenus illégaux pourtant bien définis, et ce malgré des investissements se comptant en dizaines, voire en millions de dollars.
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