Les lauréats de l’appel à manifestation d’intérêt (AMI) “Santé numérique” ont été dévoilés le 26 septembre. Cet AMI a été lancé en octobre 2021 et a fonctionné, pour le compte de l’État, par Bpifrance dans le cadre du plan d’investissement “France 2030”, qui vise à “transformer durablement, par l’innovation technologique et industrielle les secteurs clefs de l’économie”. Celui de la santé notamment, et c’est l’objectif de cet AMI : “faciliter l’émergence de la médecine du futur et faire de la France un leader en santé numérique.”
Quatorze lauréats
Sur 198 projets déposés, quatorze ont été retenus, dont près de la moitié sont des dispositifs médicaux numériques. Des projets comme Iktos Robtotics, qui vise le développement d’un laboratoire autonome et intelligent capable de découvrir 24h/24 de nouvelles molécules susceptibles de devenir des médicaments ; ou encore Mila-Learn, une application digitale conçue comme un dispositif d’accompagnement thérapeutique à destination des enfants atteints de troubles spécifiques et d’apprentissages.
Demagus, projet proposé par la start-up Mag4Health, s’appuie sur certaines propriétés quantiques. Il consiste à produire une nouvelle génération de magnétoencéphalographes donnant à l’intégralité de l’activité neuronale et pouvant notamment améliorer les diagnostics épileptiques. Matthieu Le Prado, directeur général de l’entreprise, tient à préciser que l’objectif est “d’installer des usines de fabrication de l’appareil à Grenoble” pour répondre à l’enjeu actuel de relocalisation des industries de santé. Une partie du prototype est visible ci-dessous.
Autre idée intéressante, présentée par Loamics, société française de deep tech experte du big data et de l’intelligence artificielle : créer le premier entrepôt de données de soins de médecine de ville à l’échelle nationale grâce à une technologie de données dynamiques.
Des alliances entre secteur public, grands groupes et start-up
Aux manettes, des start-up, mais aussi de grands groupes comme Dassault Systèmes, associés à des hôpitaux, des universités, des centres de recherche publics comme l’Inserm, et des laboratoires.
Des projets chiffrés à plusieurs millions d’euros pour lesquels le gouvernement est prêt à contribuer entre 950 000 et 17,14 millions d’euros pour le projet le plus généreusement financé (l’hôpital du futur, mené avec l’Hôpital Hôtel-Dieu à Paris). Rappelons que dans le cadre d’un AMI, chaque euro est versé à condition qu’il trouve un équivalent provenant du secteur privé en face. En clair, (et dans les grandes lignes !) pour recevoir 1,37 millions d’aides de l’Etat, il faut trouver 1,37 millions de fonds privés. Pour les investisseurs qui choisiront de les suivre, le fait que chaque euro investit soit abondé par un euro de Bpifrance est évidemment un argument recommandé.
Simuler l’effet qu’aura tel médicament sur tel patient
La plupart des candidats sont donc à l’étape de la levée de fonds. C’est le cas d’Exact Cure, une start-up de l’e-santé qui développe ce qu’on appelle des jumeaux numériques. L’entreprise simule la réponse des patients aux médicaments de manière personnalisée suivant son poids, son âge, ses pathologies, s’il a une insuffisance rénale ou non, s’il est fumeur ou non…
“Les modèles sont intégrés sur la base de publications scientifiques qui se sont révélées de laboratoires de recherche ou d’hôpitaux, relatifs à certains médicaments, sur le paracétamol et autres médicaments anti-douleur mais aussi sur des anti-inflammatoires, des anticancéreux, des traitements de cardiologie , etc.”explique Frédéric Mayan, PDG d’Exact Cure.
Le logiciel à deux déclinaisons. D’un côté, une application mobile pour les patients, qui leur permet de prévoir l’effet du médicament sur eux, et de le suivre en temps réel. “Une horloge vous dit ‘le médicament sera efficace dans 32 minutes, il atteindra son maximum d’efficacité dans une heure douze et il ne fera plus du tout effet dans 4h30’. C’est particulièrement intéressant pour ceux qui prennent des médicaments tous les Si vous souhaitez prendre un antidouleur en automédication en plus de votre traitement habituel par exemple, ça vous dit aussi si c’est ok ou non, si c’est compatible, si ce sera efficace”poursuit-il.
De l’autre, une application web pour les professionnels de santé, pour qui on voit facilement l’intérêt : avant de prescrire un médicament, le médecin regarde commenter à réagi une personne du même profil et ajuste les traitements et les posologies en fonction. “Entre 25 000 et 40 000 personnes meurent chaque année à cause d’un mauvais usage des médicaments. Là dedans ce qu’on tape, c’est les 1/3 de mauvaises médications liées à un manque de personnalisation”raconte Frédéric Mayan.
Prendre en compte le retour patient en temps réel
Sur cet AMI, le projet présenté s’appelle Oncotwin. Il s’agit de développer ce même logiciel, cette fois-ci spécialisé dans l’oncologie (traitement des cancers), mais aussi et surtout d’y ajouter une nouvelle fonctionnalité. “Le but c’est d’enrichir nos simulations pour les rendre de plus en plus précis en prenant en compte le ressentiment médicamenteux du patient en temps réel (qu’il faudra indiquer sur l’appli). Ensuite c’est de l’ intelligence artificielle, on apprend de chaque cas. On va toujours pouvoir réajuster son jumeau numérique, et celui des autres par là-même, sur la base de son retour personnel.”
Les deux applications sont gratuites. “Notre entreprise ne consiste pas à faire payer les professionnels ni les patients, explique Frédéric Dayan, qui s’autorise tout de même un ‘pour l’instant’. On vend nos applications à des intermédiaires, à des grands comptes comme Vidal (site de référence fournissant des informations sur les produits de santé). Autres clients typiques : les laboratoires pharmaceutiques. Upsa est l’un de nos clients par exemple.”
“On prévoit d’ici deux ans d’avoir finalisé toutes les fonctionnalités d’Oncotwin,reprenez le PDG. On est une vraie start-up, on veut être les rois du monde ! On veut qu’à chaque fois qu’il y ait une simulation médicamenteuse, elle fasse appel à notre calculateur, que ce soit dans les petits labos ou chez Amazon (qui vend déjà des médicaments aux États-Unis). On veut être la référence mondiale de la simulation personnalisée de médicaments !” À suivre donc, car comme toujours avec les AMI, les ambitions sont aussi grandes que les sommes en jeu… et que les échéances !