“À partir de maintenant, nous passons à la phase suivante, celle de la croissance», a déclaré le président de Gaia-X, Francesco Bonfiglio, depuis Paris où se réalise jeudi et vendredi la troisième édition du sommet de l’organisation. “D’ici à l’année prochaine, nous pensons qu’une grande partie de nos membres sera adaptée à Gaia-X ou utiliseront des services adaptés à Gaia-X“, at-il expliqué.
L’initiative Gaia-X a été introduite en 2019 sous l’impulsion de la France et de l’Allemagne. Son objectif est de développer une infrastructure numérique de confiance et souveraine pour l’Europe et de permettre aux entreprises sur le marché de s’emparer des opportunités promises par l’économie de la donnée.
“Nous développons un ensemble de règles et un ensemble de technologies pour vérifier ces règles afin de faciliter la création d’espaces de données dans un environnement de confiance», a résumé son PDG, convaincu que cette «confiance« sera la clé pour rattraper le retard européen dans l’adoption de ces technologies. Aujourd’hui, seules 34 % des entreprises de l’UE y ont recours en moyenne (25,3 % pour la France), selon les chiffres de la Commission européenne, qui fixent l’objectif de 75 % d’ici à 2030.
Si l’association, qui compte à présent plus de 350 membres, ne se revendique pas comme un organisme de normalisation, ses 20 groupes de travail ont pour mission de s’accorder sur des spécifications et des labels fondés sur des valeurs de sécurité, portabilité , interopérabilité et transparence.
Premiers résultats concrets
Et Gaia-X compte désormais passer à l’action, après plusieurs années passées à poser les fondations. L’équipe française de Gaia-X Federated Services a ainsi dévoilé cette semaine un premier catalogue de services cloud fédérés (GXFS-FR). Cette plateforme regroupe 176 services cloud censés permettre l’opérationnalisation des ambitions de l’initiative. “Il s’agit d’une étape importante : Gaia-X s’éloigne des concepts pour entrer dans sa première mise en œuvre réelle sur le marché de son approche ‘méta-cloud’‘”, a déclaré Francisco Mingorance, secrétaire général du CISPE et membre du conseil d’administration de Gaia-X.
Ces 176 services sont certifiés par un label, répartis en trois niveaux, dont le dernier garantit une immunité aux législations non européennes à portée extra-territoriale. Ce troisième sommet a également été l’occasion de mettre en lumière huit projets pilotes d’espaces de données sectoriels développés par les membres de Gaia-X. Ces premiers livrables concrets étaient très attendus et auraient apporté un peu de clarté au projet, qui souffre d’un manque cruel d’efficacité et d’intelligibilité dans sa communication – ce qui n’a pas aidé les observateurs en dehors de l’initiative à constater de réelles avancées.
Quelques départs
Cette confusion n’a pas manqué d’être renforcée par l’approche différente du concept de souveraineté, pourtant au cœur du projet, d’un membre à l’autre. Présenté initialement comme une réponse à l’hégémonie des hyperscalers américains, un “Airbus du cloud” selon Bruno Le Maire, les espoirs de certains d’entre eux ont été douchés par la présence de Google, Amazon ou Microsoft qui, s’ils ne peut pas accéder au conseil d’administration, participer aux travaux.
“Nous préférons nous concentrer sur notre vélocité et sur notre capacité à recruter les meilleurs talents plutôt que d’user le temps de nos ingénieurs dans des groupes de travail qui sont très largement aux mains des dominantes et qui font en sorte que tout aille très lentement ou soit très complexe“, avait indiqué Arnaud de Bermingham, président et fondateur de Scaleway, à L’Usine Digitale, au moment claquer la porte de Gaia-X en novembre 2021.
Selon les détracteurs du projet, cette configuration ne nécessite pas de s’attaquer aux effets d’enfermement et de mettre en place une véritable interopérabilité. “Se débarrasser des effets d’enfermement ne signifie pas se débarrasser des acteurs qui mettent en place ces effets d’enfermement», a répondu Francesco Bonfiglio à L’Usine Digitale.
Plus de clarté
Mais Gaia-X a bon espoir que ce travail épineux de définition et de positionnement soit derrière eux. “Nous aurons toujours des divergences sur la façon dont les choses supposées être décrites” Maïs “le rôle de Gaia-X et les modes de participation sont aujourd’hui beaucoup plus clairs», a abondé Maximilian Ahrens, le CTO de l’organisation. “Nous avons eu très peu de départs», at-il également souligné auprès de L’Usine Digitale.
Une chose est sûre, les efforts de lobbying n’épargnent pas les discussions internes. “Un groupe de travail a été bloqué pendant des semaines, des mois, à cause d’un lobbying intense», a indiqué Francisco Mingorance à Politico en juillet dernier.
Un constat nuancé par Laurent Lafaye, le PDG de Dawex, une entreprise française spécialisée dans les plateformes d’échanges de données et partenaire de la troisième édition du sommet. Il fait l’état d’un “travail collaboratif et transparent», alors que son entreprise pilote un des groupes de travail, et pointe du doigt les règles de gouvernance – un vote par organisation – qui ne pourrait pas un acteur unique de «court-circuiter” les conversations.
Francesco Bonfiglio a indiqué que l’année 2023 devrait être marquée par davantage d’événements organisés par Gaia-X pour faire la démonstration d’autres résultats tangibles en cours de finalisation. L’organisation ambitionne également de poursuivre son implantation en Europe et espère passer de 15 hubs nationaux à 27.
Sélectionné pour vous