Moins de trois ans après son lancement, la fin de Salto semble inévitable. “Il n’est malheureusement plus possible de souscrire à Salto. Merci à tous les abonnés Salto d’avoir partagé avec nous leur envie et leur enthousiasme pour une plateforme de streaming made in France“, voici le message affiché en page d’accueil du site de la plateforme de streaming depuis ce lundi 13 février 2023.
Les abonnés peuvent encore visionner les programmes pour le moment, et aucune date de fin du service n’a encore été communiquée.
Un échec prévisible
L’entreprise, qui compte une quarantaine de salariés, va être placée en liquidation. Sa gestion devrait être désignée à un mandataire judiciaire jusqu’à ce qu’elle mette désormais la clé sous la porte.
L’échec n’est pas vraiment surprenant pour cette plateforme de streaming produite en 2019, qui devait permettre à France Télévisions, TF1 et M6 de lutter contre les incursions de Netflix et d’Amazon Prime Video sur le marché français en mutualisant leurs programmes .
En 2020, Salto, avec un abonnement mensuel à 6,99 euros, présentait un chiffre d’affaires de 255 000 euros et un résultat net accusant 32,4 millions d’euros de pertes. En 2021, le déficit atteignait 42 millions d’euros et s’élèverait aujourd’hui à 200 millions d’euros au total.
Retrait de TF1 et M6
Des chiffres qui ont fait fuir TF1 et M6. Dès novembre 2022, on apprenait l’intention des deux groupes de quitter le capital de Salto. Le 20 janvier dernier, le troisième actionnaire, France Télévisions, avait lui aussi agi son désengagement de la plateforme lors d’un Comité social économique (CSE) extraordinaire, n’ayant aucun intérêt à continuer de financer le service de replay de programmes concurrents.
Courant janvier, le site d’investigation L’Informé affirmait que seule la société espagnole Agile était candidate à une reprise de la plateforme. Trop petite pour un tel chantier, elle n’a pas convaincu France Télévisions de lui confier ses programmes. Faute de repreneur, la plateforme de streaming était donc condamnée à disparaître.
Concurrents intouchables
Salto n’a pas su se faire une place sur un marché dominé par les poids lourds américains Netflix, Prime Video et Disney+. La plateforme servait un peu plus de 800 000 abonnés fin 2022, autant dire rien face aux 230,75 millions d’abonnés de Netflix. Et pour ne rien arranger, TF1, M6 et France Télévisions ont parallèlement développé leurs propres plateformes en ligne, simultanées directes de Salto, proposé gratuitement certains de leurs programmes et offrant de plus en plus d’avant-premières en ligne.
La faute aussi à des propositions peu attractives. La plateforme devait promouvoir le “rayonnement de la création audiovisuelle française et européenne” avait obtenu quelques exclusivités américaines…, comme l’émission “Friends, les retrouvailles” ou la suite de “Sex and the city”. Elle proposait surtout les rediffusions ou avant-premières de programmes produits par ses actionnaires d’origine. A noter par ailleurs que même les plateformes américaines ont souffert ces dernières années, Disney+ n’étant actuellement pas louable et Netflix s’étant vu contraint de lancer une offre avec publicité.
Une réforme de l’audiovisuel public ?
Roger Karoutchi, rapporteur spécial des crédits dédiés à l’audiovisuel public au sein de la commission des finances du Sénat qui avait alerté dès la création de cette plateforme sur le problème de positionnement que celle-ci allait se retrouver face aux géants américains, s’est étonné du silence du Gouvernement sur cet échec annoncé, et invite celui-ci à présenter les grands axes d’une réforme de l’audiovisuel public intégrant le développement d’une stratégie numérique innovante, respectant la spécificité du service public et s’appuyant sur les succès déjà enregistrés dans ce domaine à l’instar des Podcasts de Radio France et d’Arte.tv.
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