Elon Musk a annoncé ce 13 mai dans un tweet que le rachat de Twitter pour 44 milliards de dollars était suspendu dans l’attente de détails sur la proportion de faux comptes du réseau social. Face aux nombreuses réactions, il a été précisé”toujours déterminé à faire cette acquisition“.
Prétexte ou préoccupation sérieuse ?
C’est un rapport, publié par Reuters le 2 mai, qui atteste que les faux comptes représentaient moins de 5 % du nombre d’utilisateurs du réseau social. Rien de bien nouveau a priori. Alors pourquoi Elon Musk veut-il s’assurer que ce chiffre est juste ? Difficile de savoir s’il s’agit d’une préoccupation sérieuse, d’une stratégie pour se retirer de l’opération ou d’une façon de faire baisser le cours de l’action de Twitter pour renégocier un prix d’achat inférieur au montant d’origine.
S’agissant de la première hypothèse, vérifier que les faux comptes ne représentent pas plus de 5 % du total des comptes actifs sur le réseau social permet à Elon Musk de vérifier son potentiel de monétisation. En effet, l’entreprise estime à 229 millions son nombre d’utilisateurs quotidiens “monétisables”, c’est-à-dire exposés à la publicité, au cours du premier trimestre 2021. S’il s’avère que plus de 5 % des comptes sont faux, alors les revenus issus de la publicité seront moindres. Elon Musk faisant de la suppression des faux comptes son cheval de bataille, il est étonnant qu’il ne soit pas renseigné avant… D’autant que la question lui est familière.
Partir quitter à verser un milliard de dollars
Seconde hypothèse : le milliardaire utilise le prétexte du pourcentage de faux comptes pour renégocier le prix ou faire annuler l’opération de rachat. Dans la seconde option, il devra verser un milliard de dollars, d’après la clause de dédit prévue par l’accord signé avec le conseil d’administration de Twitter.
Pour rappel, Elon Musk s’est engagé à contribuer à hauteur de 21 milliards d’apport personnel dans le rachat. Or, sa santé financière n’est pas des plus stables, car elle dépend fortement du cours de l’action de Tesla. D’après le Wall Street Journal, il cherchait en ce moment des investisseurs supplémentaires pour réunir les 44 milliards de dollars nécessaires au rachat de Twitter. En effet, il a déclaré qu’il offrirait 54,20 dollars par action. Mais le cours a bien baissé depuis (le Nasdaq de manière générale s’étant effondré), oscillant en dessous de 50 dollars depuis plusieurs semaines.
L’un des problèmes semble être que le sort de l’opération est conditionné à la santé de Tesla. En effet, le PDG prévoit d’emprunter contre une partie de sa participation dans Tesla pour financer l’accord. Ou, après avoir vendu pour 4 milliards d’actions, la capitalisation boursière du constructeur automobile a chuté. Les investisseurs s’inquiètent du risque de voir Elon Musk contraint de réduire sa participation pour compléter l’opération. La valorisation boursière de Tesla étant extrêmement élevée par rapport à ses concurrents, les inquiétudes quant à sa stabilité ne sont pas nouvelles.
Plusieurs enquêtes en cours
Dans tous les cas, le comportement d’Elon Musk risque de ne pas plaire aux autorités américaines. D’après le WSJ, il serait de nouveau dans le viseur de la Securities and Exchange Commission (SEC), l’organisme fédéral américain chargé de la réglementation et du contrôle des marchés financiers. Elle enquêterait sur la divulgation tardive de sa prise de participation de plus de 5% au capital du réseau social. Cette stratégie lui aurait permis d’acheter plus de titres par la suite sans alerter les autres actionnaires et de masquer ses intentions d’acquérir le réseau social.
En parallèle, Elon Musk doit faire face à un recours collectif lancé le 12 avril pour sa gestion de son investissement initial. Le détenu, un actionnaire de Twitter, lui reproche d’avoir notifié sa prise de participation le 4 avril alors qu’il aurait dû le faire au plus tard le 14 mars, en vertu de la loi fédérale américaine. Il assure que ce retard aurait provoqué un manque à gagner pour les investisseurs et aurait permis au contrevenant de s’enrichir à leurs dépens.
Alors que la vente n’est pas encore efficace, Parag Agrawal, CEO de Twitter, a commencé le grand ménage promis par Musk et un limogé Kayvon Beykpour, head of product, et Bruce Flack, general manager of revenue. Des recrutements et les remplacements, à l’exception”des postes critiques“, sont également gelés depuis cette semaine, a précisé Adrian Zamora, le porte-parole de Twitter à The Verge. L’objectif : réduire “les coûts non liés à la main d’œuvre pour [prouver] que nous sommes responsables et performants“.