C’est peut-être la fin d’une ère, celle des consultations en visio avec son médecin. Les députés de la Commission des affaires sociales ont adopté jeudi 13 octobre un amendement interdisant les téléconsultations depuis chez soi dans le cadre de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023.
Les inconvénients sans les avantages
À la place, les patients devront se rendre dans une “maison de santé pluridisciplinaire, une officine ou une collectivité», là où un professionnel de santé pourra se trouver physiquement à leur côté lors d’un rendez-vous médical.
“Les actes de téléconsultations doivent être réalisés et accompagnés par un professionnel de santé afin de permettre un meilleur encadrement de cette pratique pour éviter les abus et pour répondre aux attentes des patients», explique l’exposé des motifs de l’amendement, déposé par la députée Les Républicains Isabelle Valentin puis voté par les oppositions.
“Malgré l’avis rejeté de la rapporteure, nous venons de voter un amendement visant à encadrer la téléconsultation avec un professionnel de santé de chaque côté de l’écran ! Choisissez la promesse, choisissez l’échéance !», s’est réjouie l’élue LFI Carole Fiat.
Pas d’interdiction mais…
Si l’amendement n’interdit donc pas, à proprement parler, la téléconsultation, il y a fort à parier que ces nouvelles conditions vont pousser les Français à délaisser leur ordinateur pour refranchir la porte des cabinets médicaux.Quand ils le peuvent. Pour la majorité, cette disposition est loin d’aller dans le bon sens, tant qu’elle pourrait empêcher les personnes habitant dans des déserts médicaux ou fragiles d’avoir accès facilement et rapidement à un médecin.
“En imposant la présence d’un professionnel de santé à côté du patient, les oppositions réunies veulent perpétuer les déserts médicaux et mettre en péril la santé des Français”, un fustigé sur Twitter le ministre délégué au Numérique, Jean-Noël Barrot. « Vite maintenant on attend l’amendement qui permet de commander son billet sncf sur le site web sncf, uniquement si on le fait depuis une gare sncf avec un agent à ses côtés. Nan mais franchement”, s’est agacéquant à lui, le député Renaissance Eric Bothorel.
Car la pratique de la téléconsultation, qui a certes explosé avec la crise sanitaire, semble s’être inscrite durablement dans la pratique, dépassant largement le seul contexte de Covid-19. Chaque mois, c’est près de 1 million de consultations à distance qui sont prises via la plateforme Doctolib, leader du secteur. Contactés par L’Usine Digitale, ni Doctolib ni Maiia, une autre plateforme de prise de rendez-vous médicaux en ligne, n’ont pas souhaité commenter publiquement l’affaire à ce stade.
Encore du chemin à faire
Mais l’amendement a encore du chemin à faire, avant de devenir réalité puisqu’il doit être examiné en séance publique à partir du 20 octobre, puis passé entre les mains du Sénat. Tout laisse penser que la majorité devrait se mobiliser pour revenir sur cette mesure.
Il ne s’agit pas, en revanche, de la seule disposition du texte concernant la téléconsultation. L’article 43 du projet de loi précise notamment de mettre fin à l’indemnisation des arrêts de travail prescrits à distance s’ils n’ont pas été délivrés par le médecin traitant ou par un autre médecin déjà consulté au cours de l’année dépensée.
“On a constaté une explosion des arrêts maladie donnés, en téléconsultation, par un professionnel qui n’est pas le médecin traitant. Ce sont près de 100 millions d’euros l’an dernier“, avait déclaré Gabriel Attal, ministre de l’Action et des Comptes publics, dans un entretien au Journal du Dimanche fin septembre, pour justifier cette nouvelle règle.