Antoine Maisonneuve est directeur du programme blockchain chez Orange Business Services, la filiale de services aux entreprises du groupe Orange, dans laquelle une quinzaine de personnes sont dédiées à la bchaîne de verrouillage. Il est également président de l’Alliance Blockchain France, une association regroupant des entreprises et des universités, ayant pour mission de financer une infrastructure blockchain commune et souveraine. Il nous explique en quoi consiste ce projet, et détaille son premier cas d’usage dans le domaine agricole.
L’Usine Digitale : Quel est l’objectif de l’Alliance Blockchain France, que vous présidez pour sa première année ?
Antoine Maisonneuve : Au départ, OBS souhaitait créer sa propre blockchain Orange pour ses clients : une blockchain dont l’identité grâce à un portefeuille d’identité numérique serait un socle de confiance. Mais il est rapidement apparu que cela n’avait pas de sens car les enjeux vont largement au-delà d’Orange.
L’Alliance a été introduite dans l’objectif de créer une couche d’identités interopérables, pour que cela soit beaucoup plus facile à gérer. Pour cela, il faut créer un socle commun qui accueillera de nombreux cas d’usages. Notre objectif est de développer des portefeuilles utilisables par les entreprises et le grand public, beaucoup plus simples que ce qui existe dans les cryptomonnaies, pour faire des transactions entre portefeuilles et non plus entre adresses IP. Le premier cas d’usage est celui des données agricoles, avec Agriconsent.
Pourquoi utiliser une blockchain ?
Pour des raisons de sécurité, et de simplicité technologique en ce qui concerne les connexions peer-to-peer. Plus il y a d’acteurs qui interagissent avec la plateforme, plus la blockchain est intéressante pour gérer les échanges P2P.
Et pourquoi ne pas utiliser une blockchain publique ?
Parce qu’on n’en maîtrise pas la gouvernance. Nous ne prenons pas le risque, en tant qu’Orange, d’exposer nos clients sur des blockchains dont on ne maîtrise pas la gouvernance et la pérennité. Nous voulons une infrastructure dont la gouvernance est compatible avec nos enjeux clients. La subtilité, c’est que l’on est sur une philosophie de blockchain publique : tout le monde peut venir se connecter. Elle est ouverte à toutes les entreprises opérant en France.
Nous allons par ailleurs nous baser sur des socles blockchain existants, que nous sommes en train de sélectionner. En Europe, plusieurs sont déjà utilisés dans les réseaux nationaux comme Hyperledger Besu, Iota, Hyperledger Fabric, et il existe également des technologies Françaises comme Tezos. En attendant, pour nos expérimentations nous utilisons la blockchain souveraine espagnole.
En quoi consiste le projet Agriconsent ?
Nous avons travaillé sur le consentement aux données agricoles. Il faut savoir que les grands machinistes agricoles, dont les machines sont bardées de capteurs, ont accès à d’énormes quantités d’informations. Ils savent tout ce qui se trouve partout sur la planète. AgriConsent a pour mais de protéger ces données agricoles, que les agriculteurs n’ont pas aujourd’hui la possibilité de choisir s’ils acceptent de partager ou pas, et avec qui. Le projet contient deux volets : la plateforme d’échange de données et la partie consentement.
Le travail d’OBS concerne l’identité numérique à laquelle raccroche ce consentement. La blockchain agit ici comme un tiers de confiance au niveau de l’écosystème agricole. Nous commençons en octobre les pilotes de production. La plateforme Agdatahub sera quant à elle déployée début 2023. Le projet est tout à fait dans l’esprit du Data Governance Act, le RGPD des entreprises, qui sera applicable en 2023.
Comment cela va-t-il fonctionner ?
Le wallet est une application mobile pour les personnes physiques, associée à un wallet cloud pour les personnes morales. On utilise cette application pour se connecter à Agriconsent via un compte France Connect. L’identité numérique créée atteste ainsi de votre identité civile et professionnelle, elle certifie que vous êtes un ayant droit légitime. Ensuite, la plateforme permet de générer des contrats, selon le choix des agriculteurs. Une entreprise qui voudrait accéder aux données d’un agriculteur passe par la plateforme, et tout est géré automatiquement, en P2P. Une rémunération peut par exemple être définie. Demain, les plus gros utilisateurs de la blockchain en France seront les agriculteurs !
Quelles sont les perspectives d’un tel projet ?
Nous allons retrouver ce cas d’usage dans tous les secteurs qui présentent cette problématique de gestion des données. Les médias et les offices de tourisme par exemple, qui utilisent des photos et ont besoin de savoir qui en est l’auteur pour éviter les litiges sur la propriété intellectuelle ; ou encore le transport, où une telle plateforme pourrait permettre aux livreurs de se connecter avec les transporteurs pour gérer la traçabilité d’un colis.