Avant de se pencher sur les questions RSE, pouvez-vous présenter l’activité de la branche Private Banking de la Société Générale en quelques chiffres incontournables ?
Claire Douchy : Nous avons deux sociétés de gestion dédiées à la banque privée qui gèrent des portefeuilles et des fonds : SG 29 Haussmann et Société Générale Private Wealth Management. A fin 2021, nous avions 129,8 milliards d’actifs sous gestion dans l’ensemble de la banque privée, qui est répartie sur treize pays en Europe. Nos trois grands piliers géographiques sont la Suisse, le Luxembourg et Monaco ; la France (nous sommes présents dans 80 villes) ; et le Royaume-Uni. Parmi nos 2.500 collaborateurs, 800 sont en France, dont la moitié environ est en contact direct avec les clients.
Nous avons un savoir-faire reconnu sur l’ingénierie patrimoniale, l’accompagnement philanthropique et la gestion d’actifs/les produits structurés. Nous avons obtenu la reconnaissance de nos clients en termes de satisfaction puisqu’en 2021, notre NPS (Net Promoter Score) a fortement augmenté pour atteindre un niveau record en France – proche de ceux que l’on retrouve dans l’industrie du luxe.
prévoyez-vous retracer la genèse de l’investissement responsable au sein de l’entreprise ?
Quand j’ai pris mes fonctions pour développer l’offre ISR (Investissement Socialement Responsable) en 2016, nous partions presque de zéro. Nous avons commencé grâce à nos clients français OSBL (Organisme Sans But Lucratif) : ces associations ou fondations avaient des attentes élevées en matière de gestion responsable, pour lesquelles nous avons pratiquement fait du sur-mesure.
Ensuite, tout est allé très vite et l’entreprise s’est transformée de l’intérieur. Dès 2019, la banque privée a décliné un plan stratégique à impact positif, ce qui a permis de valider des solutions positives et durables dans toutes les classes d’actifs.
Aujourd’hui, que proposez-vous sur le front de l’ISR ?
Côté offres, toutes les classes d’actifs sont concernées : fonds climat, ISR, private equity, immobilier… En 2021, nous avons été la première banque, en France, à proposer un mandat de gestion labellisé ISR. Nous avons aussi un partenariat avec Lumo, plateforme de crowdfunding en énergies renouvelables, sur laquelle nous avons collecté l’année dernière près de 30 millions d’euros. L’objectif étant d’investir en direct dans des programmes d’énergies renouvelables à impact direct sur la transition climatique : fermes éoliennes ou solaires, usines de biogaz…
Nous avons aussi formé tous nos banquiers à la fois sur la gestion responsable, mais aussi la manière de conduire cette offre durable et donc dans la communication avec les clients. Il reste beaucoup de choses à faire, bien sûr, mais quand je regarde dans le rétroviseur, je suis fière de ce que les équipes ont accompli. Depuis quelques mois, nous déployons la Fresque du Climat auprès des équipes, un atelier collaboratif pour comprendre les enjeux du changement climatique basés sur le rapport du GIEC. Nous souhaitons que nos banquiers soient aussi des citoyens avertis sur les sujets de transition climatique juste – car il n’y a pas que l’environnement, il y a aussi le social.
Côté clients, les attentes sont fortes. D’après nos enquêtes, ils sont 75 % à répondre oui à la question “la finance durable est-elle un sujet pour votre patrimoine ?”. Et cela monte à 90 % quand nous leur demandons s’ils souhaitent que l’on fasse de la gestion patrimoniale avec des enjeux environnementaux ou sociaux. Il n’en demeure pas moins que la mise en pratique est plus compliquée à décliner. Il y a une ligne de crête entre rendements et impact, même si certaines solutions font très bien les deux.
Quels sont les enjeux autour de la transparence et de la confiance à travailler auprès des clients ?
C’est une question cruciale que nous posons constamment avec les banquiers, nous ne voulons pas tomber dans le greenwashing… Notre objectif est de conserver, avec la plus grande exigence, la confiance et la satisfaction de nos clients. Cela nous pousse à être honnête sur ce que nous faisons, ou pas, dans le cadre de l’investissement responsable. Il s’agit de sujets techniques, chronophages, qui s’apprêtaient à prendre le temps pour en comprendre les enjeux à la fois chez les clients et les banquiers. Mais la spécificité de notre métier est le relationnel et nous pouvons prendre le temps de pédagogie. Nous avons également des vecteurs d’informations, comme un podcast, diffusés l’année dernière, sur l’investissement responsable. Le travail de pédagogie doit se poursuivre.
De plus, en tant que distributeur de produits d’épargne, nous nous préparons à appliquer la régulation de la finance durable : il nous faudra en effet intégrer la durabilité dans les questionnaires auprès de nos clients. Nous le faisons déjà depuis deux ans, mais il s’agit de problématiques complexes. Il faudra aider et préparer les clients à s’en saisir.
Le label ISR de l’Etat, qui nous a été attribué, a été refusé, mais il a évolué, et beaucoup de fonds sont également désormais labellisés. L’Etat et l’AMF travaillent ensemble pour atteindre un niveau d’exigence encore plus important. Pour conserver ce label, nous sommes ré-audités tous les deux ans, ce qui nous place dans une démarche de progrès pour coller au plus près au cahier des charges. En parallèle, une grammaire commune est en train de se réaliser au niveau européen pour que les entreprises et la finance soient alignées. Ces régulations impactantes vont nous bousculer, et nous nous y préparons déjà.
Entretien mené par l’équipe In Banque